Je veux sortir...
Je me suis rendu compte très vite que j'étais vulnérable.
Que les remarques blessantes me blessaient très facilement... Un peu trop même.
C'est vite devenu insupportable, et je ne voulais pas donner à ceux qui trouvaient ça drôle de se moquer de moi parce que j'étais petite et première de classe (ils auraient dit 'intello' ;o)) la satisfaction de savoir que oui, ça me faisait mal.
Alors j'ai commencé à construire une forteresse; quand elle a été terminée, je me suis cachée, tout en haut du donjon, là où pernonne ne pourrait m'atteindre, et puis j'ai protégé ma cachette avec deux-trois sorts magiques, juste au cas où. J'étais en cinqième.
La forteresse a très bien tenu, elle était très solide.
Je l'avais déguisée en fille qui aurait eu mon visage, souriante, toujours prête à voir le bon côté des choses, à rire à une bonne blague, ou à une blague nulle d'ailleurs, une fille qui n'est pas jolie mais qui s'en fiche, d'abord l'apparence ça compte pas, et puis qui serait intelligente, et cultivée, qui ferait de la musique et du théâtre, et plein d'activités.
Ca a très bien marché jusqu'à la fin du lycée.
Et puis je suis arrivée en prépa, et vers le mois de décembre j'ai commencé à être très fatiguée. Je devais assurer le travail normalement demandé aux taupins, et puis soutenir la forteresse, et ça me demandait trop d'énergie.
Je me suis rendue compte qu' en prépa, on vous autorise à être vous, même si vous ne rentrez pas dans la 'normale' du lycée, parce qu'ici il n'y a que des 'anormaux'...
J'ai voulu sortir de la forteresse qui me pesait, et la laisser s'effondrer, puisque je n'en avais plus besoin...
Je n'ai pas réussi.
Je l'avais trop protégée, je n'ai pas mis de porte de sortie, et de refuge ma forteresse s'est muée en prison.
Je n'arrive pas à simplement avoir l'air triste quand je suis triste, ou à pleurer quand j'en ressens le besoin.
Je ne peux pleurer que sous ma couette, le nez dans l'oreiller, ou alors dans les toilettes, si je sais que personne n'écoute.
Je ne peux être moi-même qu'en de rares moments où je suis seule, ou quand personne ne regarde.
Le reste du temps je suis une commédienne qui joue à être moi. Et je n'arrive pas à arrêter de jouer.
J'ai dit un jour que j'aimais être en prépa parce que j'y avais l'autorisation d'être moi. C'est vrai. Mais être moi, je me le suis interdit il y a déjà longtemps... Et je n'arrive plus à faire marche arrière.
J'ai trouvé dans cette note un écho à ce que je vis en ce moment. Comment je fais maintenant? Comment puis-je détruire ma forteresse construite pierre par pierre pour me protéger du dehors... Je veux sortir.
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